La Maison hantée, de Shirley Jackson

« En réalité, la malheureuse a succombé à la haine. Elle s’est pendue. En haut de la tour de Hill House, d’après la rumeur – mais quand une maison possède une tour, je crois que la rumeur ne permettrait jamais qu’on se pende à un autre endroit. »

La Maison hantée (couverture)Shirley Jackson (1916-1965), grand-mère de l’illustrateur et auteur de bandes dessinées Myles Hyman (qui vient d’adapter La Loterie chez Casterman), a déjà été remarquée chez Rivages à l’occasion de la sortie de Nous avons toujours vécu au château, un roman magistral qui hésitait entre policier, onirisme et gothique. La Maison hantée, que Stephen King tient pour l’un des meilleurs romans fantastiques du XXe siècle, est à la fois d’un tout autre genre et dans sa lignée. La maison y est biscornue à souhaits avec des murs de travers, des escaliers dangereux, des salles où il est difficile de s’orienter et des portes qui se ferment sans cesse sans que l’on sache avec exactitude si la cause en est occulte ou humaine. Construite au XIXe siècle, elle a acquis un statut de « Maison hantée » et est plus ou moins abandonnée. Le docteur Montague est spécialiste des effets paranormaux et vient pour l’étudier accompagné de trois personnes triées sur le volet qu’il ne connait pas. Le fils des propriétaires et deux jeunes femmes. Les phénomènes étranges se bousculent. L’angoisse saisit principalement Eleanor et Theodora d’autant qu’elles sont victimes de faits mal intentionnées (l’une verra ses vêtements trempés de sang dans son armoire saccagée). Leurs deux chambres sont reliées entre elles par une salle de bains. Et nous allons voir que ce lien ténu va sans cesse se distordre à mesure que leur relation va devenir ambigu et chaotique, et ce jusqu’à un drame inéluctable. L’arrivée de la femme du docteur Montague et de l’un de ses amis va amplifier tout cela. Fanatique du spiritisme, elle va ébranler le fragile édifice humain et surtout tout remettre en doute, et fragiliser la plus fragile d’entre toutes. Luke, le fils du propriétaire, en sa condition de mâle, va lui amener la jalousie. Le roman dans la plus pure lignée gothique avec son écriture stylisée et précise est une plongée dans la psychologie des personnages. Surtout, après des premières pages innocentes, il devient de plus en plus maléfique. Shirley Jackson joue de cette rupture et de son habileté à mettre en place une atmosphère fantastique là où tout peut aussi s’expliquer de manière rationnelle. Surtout, elle offre une fin en apothéose qui quoi que pressentie n’en est pas moins effrayante. Effarant !

Shirley Jackson (1916-1965) est une romancière américaine renommée pour ses récits horrifiques, fantastiques et gothiques. La publication dans The New Yorker de sa nouvelle « La Loterie » en 1948 l’installe comme l’une des reines du genre. Stephen King tient La Maison hantée (1959) comme l’un des romans fantastiques majeurs du siècle adapté au cinéma par Robert Wise en 1963 sous le titre La Maison du diable. Parmi ses autres romans, il faut citer Nous avons toujours vécu au château (1962), un polar gothique et psychologique. Mariée à l’écrivain Stanley Edgar Hyman, Shirley Jackson est la grand-mère du dessinateur Myles Hyman. Elle meurt à quarante-huit ans d’un arrêt cardiaque pendant son sommeil.

La Maison hantée (The Haunting of Hill House, 1959), de Shirley Jackson (Rivages, « Rivages-Noir » n°1032. Traduit de l’anglais américain par Dominique Mols et révisé par Fabienne Duvigneau. ISBN : 978-2-7436-3798-9. 298 p. -9,00 €.)

Julien Védrenne / 29 décembre 2016
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