Bagdad, la grande évasion ! de Saad Z. Hossein

Chronique pour le webzine k-libre du 26 avril 2017 : Rambos du désert

« Tu es un pur produit de ton espèce. Un défaitiste qui n’a besoin de personne pour se haïr, répondit Dagr en raclant sa chaise par terre. Tu détestes tout le monde : les sunnites pour le meurtre d’Hassan, les chiites pour avoir brisé la communauté des croyants, les Américains pour leur côté indécrottable, les Palestiniens parce qu’ils font la manche, les Saoudiens pour leur lâcheté. Et au final, tu pisses sur ce que te dicte ta raison, à savoir ton intérêt personnel. »

En 2004, Saddam Hussein n’est plus, et les Américains sont dans Bagdad. L’une des villes lumières de la région survit dans l’ombre d’un envahisseur, et voit naître toutes sortes de dérives sous un soleil accablant. L’auteur du Bangladesh Saad Z. Hossein nous embarque dans un roman qui est tour à tour un roman de guerre, un roman noir urbain, un roman d’aventure, un road movie, un roman ésotérique et religieux. Toute une fresque de personnages farfelus est amenée à se croiser quelque part pour des motifs divers, qui vont de l’ennui à la quête de l’immortalité en passant par la recherche d’un trésor. Au départ, il y a Kinza et Dagr, deux petits voyous qui vivotent d’expédients et traficotent avec le Marine américain Hoffman (un homme shooté à l’alcool et aux amphétamines). Vient très vite s’ajouter le tortionnaire Hamid, qui de prisonnier va devenir un allié de circonstance. Le décor est apocalyptique et il va l’être encore plus quand cette petite troupe va se mettre en mouvement à la recherche d’un certain bunker dans le désert alors que le capitaine Fowler se retrouve chargé d’une mission d’importance capitale et donc qui n’existe pas. Ces aventuriers ne sont pas au bout de leur surprise, et les embûches vont s’avérer nombreuses. Ils ne le savent pas encore mais ils sont de tous petits pions sur un jeu d’échecs mené par des personnes puissantes et très âgées, l’alchimiste Avicenne, la Mère Davala et le Druze Afzal Taha, duquel ils ne ressortiront pas indemnes. Saad Z. Hossein a écrit là un roman étonnant, qui démarre de la plus froide des manières, et l’on se dit que l’on va prendre un cours de géopolitique à la découverte de l’Armée du Mahdi, de celle d’Anbar, à la rencontre de Moqtada al-Sadr tout en évitant de tomber entre les mains du moukhabarat, les services secrets irakiens. Mais non ! L’écrivain se lance dans de multiples pistes en se fondant sur la singularité des Druzes, les membres d’une secte de l’islam aux principes ésotériques, et en y ajoutant théologie, mythologie, alchimie et sciences. Cela donne un roman totalement barré, et l’on sourit à l’évocation de ces aventuriers, Rambos du désert sans illusions, prêts à se sacrifier car ils n’ont d’autres buts que d’empêcher ceux qui les empêchent de tourner en rond de réaliser leurs propres desseins. C’est érudit, joliment écrit avec un sens de la narration à la hauteur de la démesure de l’intrigue. Un roman inclassable !

Représentation d’Abû ‘Alî al-Husayn Ibn ‘Abd Allâh Ibn Sînâ dit Avicenne (980-1037), médecin et philosophe, auteur du Canon de la médecine. Dans le roman de Saad Z. Hossein, une œuvre de fiction, donc, il s’agit cependant d’un affreux bonhomme.

Saad Z. Hossein est chroniqueur littéraire au Daily Star et vit à Dhaka, la capitale du Bangladesh. Il écrit des œuvres à la croisée de la science-fiction, de la comédie noire et du roman d’aventure. Il a écrit de nombreux articles et des nouvelles pour le Daily Star, le New Age et le Dhaka Tribune, les plus grands quotidiens anglais du Bangladesh. Bagdad, la grande évasion ! est son premier roman.

Bagdad, la grande évasion ! (Escape from Baghdad, 2013) de Saad Z. Hossein
Agullo « Agullo Fiction ». Avril 2017 ; 380 p. – 22,00 €.
Roman traduit de l’anglais (Bangladesh) par Jean-François Le Ruyer.
ISBN 979-10-95718-22-2




    Julien Védrenne / 26 avril 2017
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